Littérature sur le Désert

A. de Saint-Exupéry : “D’invisibles divinités bâtissent un réseau de signes”
" Certes le Sahara n’offre à perte de vue qu’un sable uniforme… On y baigne en permanence dans les conditions de l’extrême ennui. Et cependant d’invisibles divinités lui bâtissent un réseau de directions, de pentes et de signes, une musculature secrète et vivante. Il n’y a plus d’uniformité. Tout s’oriente… Et comme le désert n’offre aucune richesse tangible, comme il n’y a rien à voir, ni à entendre dans le désert, on est bien contraint de reconnaître, puisque la vie intérieure, loin de s’y endormir, s’y fortifie, que l’homme est animé d’abord par des sollicitations invisibles. L’homme est gouverné par l’Esprit. Je vaux dans le désert ce que valent mes divinités. "

Krishnamurti : “Seul le présent s’imprime”
" Le vent du désert balaie la trace du voyageur, seul s’imprime le pas présent. Le passé, le futur : du sable lissé par le vent. "

Théodore Monod : “Nous n’y sommes guère le centre du monde !”
" Dans l’Adrar, nous ne sommes que des hôtes, sans la moindre voix au chapitre, ignorés avec une sereine indifférence ou provisoirement tolérés. Ici ce n’est pas en notre honneur que fonctionne la machine et nous n’y sommes guère le centre du monde : il est bon parfois de se l’entendre répéter par quelque coin de nature sauvage, vierge et qui ne ment pas. "

Jean Grenier : “Il agit sur nous comme un musicien sur un instrument”
" On peut voyager non pour se fuir, chose impossible, mais pour se trouver. Le voyage devient alors un moyen. Il est donc bien vrai que dans ces immenses solitudes que doit traverser un homme de la naissance à la mort, il existe quelques lieux, quelques moments privilégiés où la vue d’un pays agit sur nous comme un grand musicien sur un instrument banal qu’il révèle, à proprement parler, à lui-même. "

Théodore Monnot : “Une foule de petits ennuis mais on ne se plaint pas”
" Le désert émerveille, et en même temps on s’y ennuie. Passer toute une journée au sommet d’un dromadaire, c’est très long. Mais c’est une vie salubre… pleine d’enseignements. On ne se plaint pas. On a une foule de petits ennuis aux pieds ou ailleurs… En hiver des crevasses verticales se forment dans le talon. Elles sont assez profondes parce que le sable s’y met, ça finit par faire mal. Alors on enduit la crevasse de graisse puis on prend une grande aiguille et du tendon de gazelle – ce n’est pas moi qui tue les gazelles, naturellement, mais quand il y en a des mortes, autant se servir des débris – et on recoud les bords en serrant bien. Et ça tient. "

Jacques Wolgensinger : “On entend rien et on entend trop”
" Avance petit homme ! Avance sur le sable froid et blanc sous la lune… Je pense à ce désert immense et à tout ce qu’il recèle d’inconnu, à ce qu’il fut jadis, mer ou lac, prairies où paissaient les buffles et les girafes. Je pense à ce mystérieux cimetière de dinosaures qui doit reposer là, au sud, je pense à l’arbre peut-être ne mourra-t-il pas ? Sait-on jamais de quoi est capable la vie ? Le principe de vie, cette volonté dans ses racines et dans sa sève qu’il a fallu à ce thala pour aller chercher l’eau où elle se trouvait… Autour de moi, à l’infini, c’est le silence. Un silence qui est autre chose que la simple absence de bruit… Sa substance est presque matérielle, palpable. On écoute et l’on entend rien et l’on entend trop : le tic-tac de la montre bracelet, le sourd fracas du cœur dans les oreilles. Le moindre bruit explose et remplit l’espace instantanément… On avance dans ce qui est comme le négatif d’un paysage, tout est blanc et noir. Au-dessus les étoiles, surréelles sont comme autant de certitudes éblouissantes que l’on ne connaîtra jamais. On se sent lourd et dense comme une boule de mercure, et tout à la fois dilaté, élargi jusqu’aux impossibles confins de cet horizon qui n’existe plus… On est soi et on est le monde. Toutes les perceptions sont aiguisées et si sensibles que l’on croirait toucher le ciel. "

Eric Bourhis : “On est infiniment petit”
" Je me suis senti grain de sable, infiniment petit, je me suis reconnu grand créateur de ma conscience. Le tout et le rien confondus, sans mot pour les tenir. Toujours le sable et toujours le vent, tel est le désert."

Théodore Monod : “On découvre que l’on peut vivre avec peu de choses”
" La vie méhariste et chamelière est une école. C’est une école de patience et c’est aussi une démonstration extraordinaire de l’économie que l’on peut faire dans le domaine de la vie matérielle. On découvre que l’on peut vivre avec peu de chose et se porter de façon remarquable en fournissant des efforts physiques considérables. C’est un mode de vie brutal mais, en même temps, une vie très saine, désencombrée. Elle remet les choses à leur place, sans pitié. "

Jean-Yves Leloup :“L’homme du désert, c’est l’archétype de l’homme véritable”
" Le désert comme fuite du monde, comme lieu de combat et d’affrontement avec les démons : le désert des ascètes. Le désert comme fuite vers quelqu’un, lieu de rencontre et des noces avec l’Absolu : le désert des mystiques. Le désert comme expérience du rien et de la vanité des choses, lieu de lucidité où tous les êtres sensibles et intelligibles se révèlent en permanence : le désert des métaphysiciens. Ces trois déserts ne sont pas à opposer les uns les autres, ils peuvent se vivre simultanément et de façon complémentaire. La maîtrise des sens et de l’émotion, la tranquillité ambiante du cœur et l’acuité de l’intellect font de l’homme du désert, l’archétype de l’homme véritable. "

Comments

Popular Posts